L’hyperactivité existe, la HAS l’a rencontrée !
Paris, le jeudi 12 février 2015 – Depuis de très nombreuses années, on le sait, le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) nourrit dans les cercles psychiatriques (et au-delà) de vives polémiques. L’existence même de ce trouble est âprement discutée. Pour certains elle ne fait aucun doute : on compterait entre 3,5 % et 5,6 % d’enfants d’âge scolaire (soit entre 135 000 et 169 000 sujets âgés de 6 à 14 ans) concernés par ce trouble, selon des chiffres publiés aujourd’hui par la Haute autorité de santé (HAS). Pour d’autres, le TDAH n’est que la manifestation de l’incapacité de la société à intégrer en son sein des enfants dont le comportement diffère peu ou prou de la norme. D’ailleurs, les pourfendeurs du TDAH relèvent pour assoir leur position que l’on trouve de très fortes différences sociales chez les enfants ainsi diagnostiqués. « Aux Etats-Unis, un enfant noir vivant dans un logement exigu avec des problèmes sociaux a 6,5 fois plus de chances d’être diagnostiqué TDAH qu’un Blanc des beaux quartiers » rappelle par exemple aujourd’hui dans les colonnes du Figaro, le docteur Patrick Landman président de l’association « Stop DSM ». Ceux qui remettent en doute l’existence du TDAH suggèrent également qu’une certaine démission des parents pourrait être à l’origine de l’explosion des diagnostics. Enfin, on ne peut passer sous silence le fait que beaucoup ont évoqué l’hypothèse selon laquelle le TDAH serait une pathologie « inventée » par les laboratoires !
Errance diagnostique
Les familles qui se sentent concernées, qui observent avec souffrance le comportement et les difficultés sociales et scolaires de leurs enfants, sont bien sûr loin de partager de telles réserves. Elles font au contraire remarquer que l’organisation des soins en France, la méconnaissance du TDAH par les médecins généralistes et la persistance de ces controverses représentent une perte de chance pour leurs enfants. L’errance diagnostique est en effet le lot d’un très grand nombre de familles : en moyenne, le diagnostic est établi vers l’âge de 9/10 ans, souvent trop tardivement pour que les conséquences scolaires et sociales puissent être totalement réparées. L’absence de diagnostic n’est également pas rare : or certains suggèrent que les enfants TDAH pourraient présenter un risque accru d’entrer dans diverses toxicomanies.
Un diagnostic complexe qui exige du temps
Face à cette situation, la HAS vient d’adopter des recommandations qui ont pour ambition de mettre fin aux interrogations et d’améliorer la prise en charge des patients et de leur famille. Publiées aujourd’hui, ces préconisations rappellent tout d’abord la difficulté du diagnostic du TDAH, d’abord parce qu’il « n’existe pas de signes neurologiques ou physiques propres », ensuite en raison de la variabilité des manifestations et du fait que les signes associés aux TDAH peuvent en réalité être la manifestation d’autres troubles. Aussi, « seule une évaluation rigoureuse (…) permet d’éviter les sur-diagnostics mais également de ne pas passer à côté d’un TDAH » insiste la HAS. Dans ce cadre, la HAS juge que le médecin de premier recours peut jouer un rôle clé. « Lors d’une ou plus consultations, le médecin va étayer les hypothèses et éventuellement établir un pré-diagnostic de TDAH en s’intéressant à la souffrance de l’enfant, son contexte social, son processus d’apprentissage et ses relations au sein de la famille. Après ces consultations (…) le médecin de premier recours pourra décider d’orienter l’enfant vers un médecin spécialiste du TDAH » détaille la HAS qui livre par ailleurs aux généralistes des outils pour mener à bien leur enquête diagnostique.
Des recommandations volontairement idéalistes
Qu’ils se réjouissent de cette prise de position de la HAS en faveur de la reconnaissance du TDAH et de la sensibilisation des praticiens ou qu’ils la regrettent, les spécialistes et acteurs concernés estiment unanimement « utopiques » ces recommandations. Ils font notamment valoir que les médecins, généralistes et pédiatres, ne disposent nullement du temps nécessaire pour le repérage de ce trouble complexe, ni de la formation suffisante. Pour ceux qui attendent une meilleure prise en charge des enfants concernés, ces recommandations ne suffiront donc pas à elles seules à induire une évolution positive. Pour les autres, elles risquent de favoriser une « épidémie de diagnostics » selon l’expression de Patrick Landman.
Les auteurs des recommandations ne rejettent pas totalement la critique. « Nos recommandations sont idéalistes. Mais c’est un idéalisme assumé » estime le docteur Jean Chambry, pédopsychiatre qui a coprésidé le groupe de travail de la HAS. « L’objectif premier était d’affirmer que le TDAH existe et n’est pas une invention des laboratoires pharmaceutiques. Mais aussi sensibiliser les médecins généralistes, pour qu’ils prennent le temps d’évaluer ces troubles » ajoute-t-il cité par le Figaro. Enfin, en ce qui concerne le risque de surdiagnostic et en filigrane la crainte exprimée par beaucoup d’une surprescription de Ritaline, les auteurs se veulent également confiants, affirmant que de nombreux « garde fous » sont présents au sein de leurs travaux pour éviter ces risques et notamment la recommandation selon laquelle les thérapies non médicamenteuses doivent être privilégiées. En France, aujourd’hui, 20 000 enfants sont sous Ritaline. Combien nécessitent vraiment une telle prise en charge ? Et combien d’autres qui auraient besoin d’un traitement n’en reçoivent pas ?
Aurélie Haroche
Source : http://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/lhyperactivite_existe_la_has_la_rencontree__150383/document_actu_pro.phtml
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