
Madame,
Je suis la grande sœur d’Antoine qui est élève dans votre classe. Antoine est un enfant différent. Antoine est atteint de TDA/H.
Chaque jour vous lui répétez encore et encore qu’il est mal élevé, qu’il est turbulent, qu’il doit rester immobile, qu’il doit se taire, qu’il n’écoute jamais ce que vous dites.
Et chaque fois que vous dites cela, il ressent un échec de plus.
Antoine fournit chaque jour des efforts incroyables mais, malgré cela, il subit remarque sur remarque. Alors, jour après jour, effondrée sous le poids de vos reproches, son estime personnelle s’étiole un peu plus.
Je sais ce que ressent Antoine car moi aussi je suis atteinte de TDA/H.
Quand vous lui demandez de rester immobile pendant que vous parlez, pour lui c’est mission impossible.
Il répète sans arrêt à son corps de ne pas bouger mais sa bouche, ses mains et ses pieds ne sont pas très coopératifs. Au bout de quelques minutes sa bouche se tord, ses doigts se croisent, ses orteils se crispent. Il fait tous les efforts du monde mais, petit à petit, la souffrance devenue trop forte laisse son corps s’exprimer. C’est à ce moment-là que vous vous fâchez en criant « Je t’ai demandé de ne pas bouger quand je te parle ! Tu n’es même pas capable d’écouter ce que je te dis pendant 2 minutes ? »
Quelle tristesse ! Antoine a beau s’être battu contre l’expression des symptômes de son trouble, au lieu d’être félicité pour ses efforts il se retrouve puni.
« Arrête de couper la parole ! »
Cette phrase il l’entend tout le temps … mais si on essayait de comprendre pourquoi il fait ça ?
C’est parce que ses pensées ne s’arrêtent jamais, ça bouillonne dans son petit cerveau et cela va dans tous les sens. « Qu’est-ce qu’on va manger ce soir ? Il y a de l’eau sur la lune ? Est-ce que les lions courent plus vite que les guépards ? Est-ce que je pourrais courir 5 km en moins d’une heure ? C’est bientôt Noël ? … »
Cela bouillonne tellement qu’il faut que ça sorte… Souvent c’est hors sujet sans aucun lien avec la conversation existante… mais il a besoin d’évacuer et voilà que ça sort.
Bien sûr à ce moment-là vous lui dites « Arrête de couper la parole ! Je ne comprends pas pourquoi tu poses cette question, cela n’a aucun sens ! »
D’autre fois il a tellement peur d’oublier la réponse à une question qu’il la crie sans attendre. En effet, s’il attend, ne serait-ce que quelques secondes, il sait que sa réponse risque de disparaitre dans le torrent de ses pensées.
Le soir Antoine n’arrive pas à s’endormir. Je suis triste quand je l’entends dire à Maman : « Je voudrais dormir mais je n’y arrive pas. »
C’est parce qu’il n’arrive pas à arrêter de penser, son torrent de pensées coule sans cesse, jour et nuit. Son cerveau bouillonne sans arrêt et impossible de le mettre sur pause.
Vous n’arrêtez pas de lui reprocher d’être rêveur, d’être incapable de se concentrer.
Alors je vous demande : et vous ? Si on vous demandait de vous concentrer alors que 100 personnes en même temps vous posent des questions, vous y arriveriez ? Non !
C’est ce qui se passe dans la tête d’Antoine quand on lui demande de se concentrer. 100 questions se posent dans sa tête en même temps. Cela rend sa concentration très très compliquée. Alors quand il y arrive c’est qu’il a fourni un effort surhumain. Alors, s’il vous plait, arrêtez de lui demander de rester concentré pendant de longues périodes. Il en est incapable.
Quand il veut vous écouter il doit arriver à faire abstraction de tout ce qui se passe dans sa tête et autour de lui. En même temps ! C’est vraiment dur ! Je sais de quoi je parle. Il m’a fallu des années pour y arriver !
Et pourtant après ses efforts vous criez : « Tu ne m’as pas écoutée ! Tu n’es même pas capable de faire des efforts pendant 5 minutes ! »
Et encore un échec. Et son estime de soi qui s’effondre à chaque fois un peu plus. Et mon cœur de grande sœur qui se brise quand j’entends Antoine dire à Maman « Je suis vraiment trop nul, Madame s’est encore fâchée ! »
Mon petit frère est un super héros et je suis fière de lui. Il se bat chaque jour malgré l’incompréhension des adultes.
Alors maintenant que vous savez tout, s’il vous plait, arrêtez de crier et de vous fâcher sur Antoine. Il a besoin de vos encouragements pour arriver à continuer à faire des efforts.
Vous savez, mon petit frère je l’aime plus que tout et je suis très très fière de lui.
Lucie
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